Enseignement et numérique en école d’art graphique et d’architecture intérieure


Peut-on inscrire le numérique dans la continuité d’un enseignement dont le fondement est le respect d’un académisme formel ? Le changement de paradigme de l’acte créatif induit par l’émergence du numérique peut-il se concevoir autrement que comme rupture?

Repenser la proposition “numérique”

Le “numérique” (ou paradigme de l’acte créatif induit par l’émergence du numérique) est la résultante d’une double révolution: l’ordinateur personnel dans les années 80 et l’interconnexion de l’ensemble de ces ordinateurs personnels dans les années 90. Mais cette double révolution va plus loin. L’explosion de l’Internet dans les années 2000 et la confirmation d’une possibilité d’ubiquité sous la forme du cloud-computing et des réseaux sociaux ont complètement cannibalisé le PC pour laisser place au Smartphone. Nous ne pourrions voir que le résultat d’une miniaturisation - de l’ordinateur fixe sur le bureau à l’ordinateur mobile pris en main, alors qu’il s’agit bien d’une toute nouvelle contextualisation d’un grand nombre des usages - donc de l’acte créatif.

Il est aujourd’hui indispensable de repenser la proposition numérique au sein des écoles d’art dans l’unique but d’émanciper les élèves et de libérer la création.

Développement des outils numériques et prolétarisation des métiers d’art

Le recours aux outils numériques dans le cadre d’un enseignement académique préexistant nous emmène à l’exact opposé d’une possible émancipation. Et ce sur 2 points: 1 - standardisation des créations et des élèves et 2 - aliénation des élèves face à des outils complexes et obsolescents.

Le numérique offrant la possibilité d’une duplication infinie, nous imaginons assez difficilement (ou beaucoup trop facilement) l’enseignement d’un académisme par ce biais. Où le maniérisme ne serait plus la maîtrise par les élèves d’un ensemble de techniques graphiques mais la simple compétence à copier-coller. La standardisation, via le numérique, des enseignements et des techniques entraîne une standardisation des diplômes et des diplômés tout en posant la problématique de l’acte créatif original.

L’autre point concerne la subordination de l’acte créatif à l’outil de production (ou de reproduction). Les élèves et les jeunes diplômés n’ont plus les compétences techniques qui consistent à savoir tailler un crayon ni, pour certains, les moyens financiers de racheter un crayon taillé. La panoplie numérique nécessaire et obligée apparaît alors comme un véritable carcan.

Un enseignement académique et numérique est, à moyen terme, une impasse. Aucun des diplômés ne pourront vivre de leur création (par essence reproductible dans le style et grâce aux outils employés) face à la concurrence d’une création délocalisée et donc meilleur marché.

Recherche, communication et collaboration

Aucun académisme ne donne les moyens à l’élève ou au jeune diplômés de répondre aux problématiques actuelles et complexes. Il semble alors intéressant de repenser le déploiement d’un enseignement dans un cadre de recherche. Mais comment concilier recherche et arts appliqués?

Les grandes forces du numérique sont: 1 - La possibilité d’une collaboration ubiquitaire dans un cadre de recherche et 2 - la facilité de mettre régulièrement à disposition d’un public les résultats d’une recherche (recherche appliquée, itérative et publique).

Les 4 points suivants sont à considérer pour mener à bien une recherche appliquée en art et numérique.

Maîtrise de l’outil

Pour profiter des forces du numérique, le développement des compétences de l’élève et de ses projets doit se faire dans une parfaite maîtrise et compréhension de l’outil (hardware, software, online, cloud... ) et implique une réflexion amont sur les conditions d’usages de ces outils et de leur caractère obsolescent, ainsi qu’une interrogation sur l’emploi de logiciels libres et/ou “open source”.

Gestion de projets

Les élèves doivent être formés aux méthodologies et outils de gestion de projet sans lesquels, ils leur seraient difficile de mener à bien leurs réflexions et réalisations.

Communication offline et online

La communication autour des projets permet aux élèves de penser les applications et implications de leurs recherches en se confrontant à un public international (communication en français et en anglais) et de valider leurs projets auprès d’une communauté d’experts.

Formulation des projets et puissance numérique

Les projets développés doivent traiter du nouveau paradigme numérique, non comme contexte, mais comme objet. Les projets doivent exposer le besoin d’un recours à la puissance computationnelle pour affirmer leur caractère numérique.

Cursus et projets

Les réflexions numérique doivent concerner l’ensemble des élèves de chacune des années. Les premières réflexions peuvent être menées dès l’année de préparatoire pour se poursuivre tout au long du cursus. Le caractère itératif du développement est une donnée clé des projets numériques. Ces projets doivent être transversaux et offrir la possibilité d’une collaboration entre architectes intérieurs et graphistes.

La liste suivante permet de cerner quels types de projets de recherche appliquée pourraient être développés.

Penser le numérique, repenser l’acte créatif

Le numérique ne peut s’inscrire dans un projet pédagogique qui est le reflet d’un quelconque académisme. Il est important de penser le numérique comme moyen d’émancipation créative et d’éviter toutes dérives stylistiques. Le numérique est fin et moyen. Il est un nouveau paradigme dont l’acte créatif doit se nourrir et que l’acte créatif doit éclairer.


pyc pour un lieu subjectif...